Lors de la séance du Conseil supérieur de l’énergie du 19 décembre dernier, la FNCCR et France urbaine ont eu l’occasion de présenter les principaux enjeux que représente pour ces collectivités la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3). La nouvelle version de ce projet soumise à l’examen du Conseil supérieur de l’énergie du 27 mars 2025 appelle de leur part les remarques suivantes.
De manière globale, les associations déplorent que la sobriété ne soit toujours pas considérée comme un pilier stratégique, mais plutôt comme une simple variable d’ajustement, et de manière plus spécifique, elles formulent les observations complémentaires exposées ci-après :
- Garantir le financement de l’adaptation des réseaux de distribution d’énergie aux enjeux de la transition énergétique
Sur ce sujet, la FNCCR et France urbaine regrettent que la nouvelle version de la PPE tienne toujours aussi peu compte des contrats de concession de distribution d’électricité et de gaz et du rôle de la programmation des investissements dans ces contrats ; seul le plan de développement des réseaux établi par Enedis au niveau national est visé alors même que les AODE concourent à plus de 25% des investissements.
Aucune mention n’est faite non plus à l’enjeu des investissements à réaliser sur les réseaux dans les zones rurales pour éviter la fracture territoriale alors même que la loi de finances pour 2025 vient de réformer le CAS FACé. Il est pourtant indispensable de garantir la pérennité des financements de ces ouvrages compte tenu des défis auxquels ils sont aujourd’hui confrontés (résilience des réseaux, électrification des usages, insertion des énergies renouvelables et développement des flexibilités).
- Privilégier une approche coordonnée du développement de l’ensemble des réseaux d’énergie
La nouvelle version de la PPE 3 souligne la nécessité de renforcer l’intégration des réseaux d’énergie, ce que les deux associations défendent tout particulièrement dans le cadre d’un mix énergétique complet. Il serait sur ce point utile de souligner également que cette approche coordonnée des réseaux doit reposer sur la planification énergétique locale et les concessions locales de distribution.
- Préparer l’avenir des réseaux de distribution de gaz, indispensables à la sécurité d’approvisionnement
La FNCCR et France urbaine saluent la proposition figurant dans la nouvelle version de la PPE 3 de tester l’optimisation des réseaux de gaz au niveau local avec des collectivités territoriales volontaires et rappellent que de telles expérimentations doivent être menées avec les autorités organisatrices de la distribution de gaz dans le cadre des concessions qui les lient au gestionnaire du réseau.
En revanche, il est très regrettable que lorsqu’est évoqué l’avenir des infrastructures gazières – et en particulier l’évolution de leur structure et de leur approche tarifaire – les autorités organisatrices de ces réseaux, qui en sont propriétaires, ne soient nullement mentionnées. Compte tenu de l’impact de cette évolution sur le service public de la distribution dont elles sont responsables ainsi que sur leur patrimoine, il est indispensable de les associer à ces travaux.
- Faciliter l’émergence des projets de production d’énergie renouvelable à gouvernance locale
Si la nouvelle version de la PPE 3 souligne l’importance de l’émergence de ces projets et le rôle des collectivités territoriales en la matière, seul le secteur de l’électricité est évoqué. Aucune mention n’est faite à l’intérêt des circuits courts (autoconsommation collective et contrats de vente directe) pour promouvoir le développement du biogaz dans les territoires alors même que ces montages sont indispensables pour renforcer l’acceptabilité des projets et valoriser les productions locales.
Par ailleurs, la FNCCR et France urbaine reconnaissent que des évolutions réglementaires sont venues récemment faciliter ces projets en particulier en élargissant le périmètre de l’autoconsommation collective. Elles tiennent néanmoins à relever que des freins demeurent du fait de lectures très restrictives des règles de la commande publique ou du principe de spécialité applicable aux collectivités territoriales.
Enfin, d’un point de vue plus général, les associations regrettent la revue à la baisse des trajectoires pour le photovoltaïque et soulignent que le choix opéré dans la nouvelle répartition des volumes par type de projets photovoltaïques de relever la part des grandes installations par rapport aux plus petites nécessitera encore davantage de s’appuyer sur les collectivités territoriales et leurs groupements pour garantir l’acceptabilité des projets.
- Un manque de visibilité sur les outils de financement de la transition énergétique
La transition énergétique est une nécessité face aux défis climatiques, mais elle ne doit pas peser excessivement sur les consommateurs résidentiels et du secteur tertiaire public. Le gouvernement doit garantir une évolution progressive et équilibrée des coûts de l’énergie en évitant des hausses brutales qui pénaliseraient les ménages et les services publics. Des mécanismes d’accompagnement ciblés, une fiscalité incitative et des investissements à coûts maîtrisés sont essentiels pour permettre les mutations énergétiques nécessaires telles que présentées dans la PPE. L’objectif est une transition juste et acceptable sans compromettre la qualité des services publics, ni le pouvoir d’achat.
- Lutter contre la précarité énergétique
La FNCCR et France urbaine déplorent la désoptimisation du dispositif du chèque énergie, qui a fait sentir ses premiers effets en 2024, et qui devrait s’aggraver en 2025, en raison de complications administratives liées à l’identification de la cible des ayants droit de cette aide pourtant essentielle dans un contexte de renchérissement des prix de l’énergie (des complications qui n’ont d’ailleurs pas été anticipées par l’administration alors que la suppression de la base TH était connue depuis longtemps). Si l’article 173 de la loi de finances 2025 tente de préserver une forme d’automaticité en ce qui concerne les modalités d’attribution du chèque, il semblerait que cette automaticité ne sera plus désormais universelle laissant de côté de nombreux consommateurs, qui devront se manifester pour en demander l’octroi, sachant que les aides sociales quérables ne se signalent jamais par leur efficacité.
En outre, les deux associations regrettent l’absence de prise en compte de la revendication faite depuis maintenant plusieurs années par des très nombreux acteurs portant sur une revalorisation du barème des chèques énergie, inchangé depuis 2019 malgré la considérable augmentation au cours de cette période des factures d’énergie des ménages.
En conclusion, la FNCCR et France urbaine restent préoccupées par la faible considération accordée au rôle et à l’accompagnement des collectivités territoriales et leurs groupements, alors même que ce sont bien dans les territoires que va se jouer la majeure partie de la transition énergétique décrite dans la PPE3. Comme elles ont pu le faire lors de la phase de consultation en décembre 2024, les associations alertent une nouvelle fois sur cette forte limite qui persiste dans la dernière version du texte.